jeudi 13 janvier 2011

Manon Lescaut


Je vous avais, je crois, parlé d'un tout nouveau club de lecture dont je fais partie. Nous nous sommes rencontrés pour la deuxième fois dimanche dernier pour discuter de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost. J'ai écrit ce texte après la rencontre et l'ai axé sur la personnalité de Manon qui a été sujet à débats ! 


Si lire à nouveau « Manon Lescaut » m’a divertie sans me procurer le plaisir de la première lecture, quel ne fut mon étonnement de constater que ce livre, loin de plaire à ne serait-ce que la moitié d’entre nous, a été l’objet de déceptions, d’ennuis et même de souffrances !

Manon a été accusée d’inconsistance, de légèreté, de manipulations, de traîtrise, ainsi que d’avoir un cœur dénué d’amour et de compassion.
Mon ressenti est tout autre. Tout d’abord, je suis persuadée de son amour pour Des Grieux. Sinon pourquoi aurait-elle refusé de suivre le prince italien qui lui promettait monts et merveilles ? Pourquoi serait-elle revenue vers son amant après leur première séparation, lorsqu’il fait son exposé de fin d’étude, alors qu’elle sait qu’il ne sera jamais vraiment riche, étant donné qu’il est obligé de choisir entre elle et son père, donc sa fortune ? Pourquoi ne choisit-elle pas, parmi ses nombreux prétendants, un homme qui pourra satisfaire son besoin d’argent ? Pourquoi revient-elle toujours vers le chevalier si ce n’est par amour ? Si elle ne l’aimait pas, elle l’aurait quitté rapidement et définitivement et le roman aurait finalement été une nouvelle d’une vingtaine de pages (peut-être certaines auraient-elles d’ailleurs préféré !).

Je pars donc du principe que son amour est sincère. Cependant, il est vrai qu’il n’est peut-être pas très conventionnel, par rapport à notre époque en tout cas (je n’ai pas vraiment toutes les cartes en main pour pouvoir affirmer cela dans le contexte du 18ème siècle). La relation d’amour est communément admise comme étant exclusive et réciproque. Imaginons-la autrement : absolue, unilatérale, généreuse. Ne peut-on pas offrir une liberté absolue à l’être aimé si tel est son besoin ?  Aimer sans être aimé en retour ? Accepter l’autre pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’on voudrait qu’il fût ? Tel est le cheminement de Des Grieux tout au long du roman. Au début, il s’offusque du comportement de Manon. A la fin, il l’anticipe et par là, l’accepte. A mes yeux, le chevalier incarne l’amour pur, celui qui ne demande pas de contre-parties. Et je trouve cela beau !

Pour ce qui est de la personnalité de Manon, il est vrai qu’on peut la qualifier de légère, ce qui ne me déplaît pas foncièrement. Toutefois, cela me semble réducteur. Quel était l’avenir de la jeune fille avant de rencontrer son amant ? Les ordres. Tout d’abord, une personne qui s’éloigne de la vie religieuse pour s’adonner au libertinage, ne peut que gagner ma sympathie. De plus, il s’agit d’une toute jeune fille, dont on attendrait qu’elle obéît docilement à ses parents, plutôt qu’elle mît tout en œuvre pour échapper à un destin qui ne lui convient pas. Elle fait preuve par là de rébellion et d’un certain courage. Enfin, en agissant comme bon lui semble tout au long du roman, et donc de sa vie, elle devient un bel exemple de liberté et de force de caractère. Peu de gens ont assez d’envergure pour sortir des sentiers battus et tout risquer (liberté, argent, amour) pour laisser vivre leurs désirs.

Voilà donc mes sentiments envers Manon. Peut-être mon indulgence tient au fait que je me reconnais un peu en elle !


Paroles de "Concurrences déloyales" de Georges Brassens


Il y a péril en la demeure,
Depuis que les femmes de bonnes moeurs,
Ces trouble-fête,
Jalouses de Manon Lescaut,
Viennent débiter leurs gigots
A la sauvette.

Ell's ôt'nt le bonhomm' de dessus
La brave horizontal' déçue,
Ell's prenn'nt sa place.
De la bouche au pauvre tapin
Ell's retir'nt le morceau de pain,
C'est dégueulasse.

En vérité, je vous le dis,
Il y en a plus qu'en Normandie
Il y a de pommes.
Sainte-Mad'lein', protégez-nous,
Le métier de femme ne nou-
rrit plus son homme.

Y a ces gamines de malheur,
Ces goss's qui, tout en suçant leur
Pouc' de fillette,
Se livrent au détournement
De majeur et, vénalement,
Trouss'nt leur layette.

Y a ces rombièr's de qualité,
Ces punais's de salon de thé
Qui se prosternent,
Qui, pour redorer leur blason,
Viennent accrocher leur vison
A la lanterne.

Y a ces p'tit's bourgeoises faux culs
Qui, d'accord avec leur cocu,
Clerc de notaire,
Au prix de gros vendent leur corps,
Leurs charmes qui fleurent encor
La pomm' de terre.

Lors, délaissant la fill' de joie,
Le client peut faire son choix
Tout à sa guise,
Et se payer beaucoup moins cher
Des collégienn's, des ménagèr's,
Et des marquises.

Ajoutez à ça qu'aujourd'hui
La manie de l'acte gratuit
Se développe,
Que des créatur's se font cul-
buter à l'oeil et sans calcul.
Ah ! les salopes !

Ell's ôt'nt le bonhomm' de dessus
La brave horizontal' déçue,
Ell' prenn'nt sa place.
De la bouche au pauvre tapin
Ell's retir'nt le morceau de pain,
C'est dégueulasse.

3 commentaires:

  1. Ah quel développement, comme quoi, il y a toujours plus à dire.
    En tout cas, au moins, ce livre ne nous aura pas laissées indifférentes.
    Moi qui me gêne dans cet amour là, c'est le mal qu'elle fait à Des Grieux, c'est une vision de l'amour que je ne peux défendre.

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  2. Lu.Ta vision de Manon est très intéressante...
    Je rajoute le lien de ton article sur le mien.
    A bientôt!

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